vendredi 25 octobre 2013

L’accompagnement professionnel du conjoint expatrié non-salarié


Cantagalo, Rio de Janeiro


Cet article traite du travail d’accompagnement professionnel parfois nécessaire des conjoints expatriés non-salariés. 

J'ai choisi de préciser cet aspect de mon travail, plutôt que les problématiques de l'expatrié qui travaille, ou de celle de ses enfants; ces trois facettes de l’expatriation sont interdépendantes.

La population des conjoints expatriés non-salariés est en très grande majorité féminine. 
En moyenne, ces femmes ont, avant de se lancer dans l’aventure de l’expatriation, une qualification professionnelle égale ou supérieure à quatre années d’études post-bac et un acquis de quelques années d’activité professionnelle. 

C’est une  population en mutation qui suit, avec retard, l’évolution de la société du pays d’origine.

Pour la France, nous voyons augmenter le nombre des hommes, des familles monoparentales, des couples homosexuels. 

Nous sommes à un tournant sociétal et les entreprises qui expatrient leurs salariés gagneraient à prendre en compte différemment ces populations.

Ma première approche de ces femmes, expatriées par la companie de leur époux, s’est faite il y a une quinzaine d’années. 

J’étais alors, expatriée en Angleterre et étonnée par leur agressivité, et leur attitude de critique systématique de la société d’accueil.  
Des femmes qui semblaient avoir dans leur vie bien plus que ce que d’autres pourraient rêver : une famille, la santé, un travail, une protection sociale, une aisance financière, des voyages de par le monde. 
Mais d’où venait donc cette insatisfaction chronique ?

De l’expatriation découlent plusieurs aspects, qui se développent  selon l’histoire de vie de chacun. 

L’expatriation ne crée rien, mais fait émerger ce qui psychologiquement est prêt de l’être. 

Il y a l’excitation de la découverte, la nouveauté, les challenges surmontés qui font partie  de la nourriture positive dont toute vie a besoin.

Et la face cachée : la perte de repères et la perte de sens, l’écroulement du MOI remplacé par la PERSONA ou masque social. 

Les façades offertes tant à soi-même qu’aux autres peuvent varier : hyperactivité sociale ou encore isolement social. 

Les conséquences sont aussi multiples que ce que l’humain peut créer : la dépression,  l’alcool, l’agressivité, la mélancolie … avec impacts sur la personne, sur le conjoint et sur les enfants quand il y en a. 

Mon postulat est que l’origine de ce malaise se développe en lien avec deux réalités ancrées dans toute histoire de migration, et implique donc aussi  le conjoint expatrié non salarié : 

Le déni de la place sociale de l’individu. Sans cette reconnaissance, comment  transformer le vécu  en un état porteur et constructif ? Cela me parait  impossible.

Ce déni  est bien ancré et se retrouve dans tous les cercles qui définissent la personne : elle-même, son couple, sa famille nucléaire et élargie, l’employeur et la société. 
D’où la difficulté à atteindre cette population et à initier avec elle un travail de restauration.

Le différentiel qui résulte de la confrontation entre attentes et réalité. Et pour comprendre les difficultés d’une personne, on doit considérer tant les rôles individuels, familiaux et  culturels de la société d’origine que ceux  de la société d’accueil ainsi que les attentes respectives de tous ces rôles.  

Chaque individu peut avoir une réactivité différente quand il  est confronté à la société du pays d’accueil. 

Il y a chez la femme un hiatus entre la réalité sociale qu’elle vit en expatriation, et les représentations de son rôle dans sa société d’origine: elle travaille et élève ses enfants  au même titre que son conjoint. 
Comment s’autoriser à exprimer son malaise quand on est sensé vivre une vie privilégiée ? 
Un travail en ces temps de crise économique, un statut administratif dont découlent des avantages sociaux, le bénéfice d’un salaire boosté de primes, des destinations lointaines qui prêtent souvent aux rêves… 

Comment percevoir ce malaise ? Par des échanges privés, l’écoute, le comportement de la personne, de son conjoint ou des enfants. 

Car à la fois chacun et la cellule familiale sont touchés.

Quel est le malaise ? Quel est le besoin associé ? Le pendant du déni ambiant : la reconnaissance              

Il ne s’exprime quasiment jamais par le verbe, ou bien sous le sceau de la confidence autorisée par la prise en charge professionnelle. 
La parole doit être protégée : la population expatriée a des points communs avec celle d’un petit village où beaucoup se sait

Alors le cœur se dénoue et les sentiments s’expriment, enfin. 

Qu’est-ce que je construis pour moi-même ? Comment puis-je développer et maintenir une activité reconnue qui soit uniquement mienne ?

La phase initiale du travail est  de retrouver une confiance en soi perdue, liée au déni de la place sociale .

Comment travailler cet aspect majeur en termes d’accompagnement professionnel ? 

Par un retour  aux fondamentaux :

Un travail sur les valeurs individuelles : qu’est ce qui me fait me tenir debout ? Qu’est-ce qui fait que ma vie prend un sens pour moi, et non uniquement au travers de mon conjoint, mes parents, mes amis, mes enfants…

Par une mise en parallèle de ce qui constitue ma vie  avec ce dont j’ai  pu rêver en terme de vie idéale.

Un travail d'élaboration pour faire émerger les éléments de la personnalité vécus comme étant porteurs (je suis fière de..) et ceux vécus comme étant handicapants (je suis mauvaise en …) 

Comment se les réapproprier, en être fière et les utiliser de façon volontaire et constructive? 

C’est la prémisse au retour à un état d’amour de soi qui entraîne petit à petit l’expression et donc le travail sur certaines difficultés récurrentes.

Lorsque la phase de reconnaissance de soi-même est enclenchée, l’agressivité envers soi ou envers autrui, en général  le conjoint, diminue,  et un travail peut s’élaborer non pas « contre » mais « avec » soi-même et avec l’autre.

Je travaille systématiquement avec mes clients, soit en groupe, soit individuellement, ces trois points que je considère majeurs. 

Une des particularités de Rio de Janeiro, où j’ai vécu trois ans et demi, est justement cette notion de différentiel entre les attentes et la réalité. 
Rio s’affiche comme une ville paradisiaque avec son lot de représentations : le climat, la samba, le carnaval, les plages, les corps superbes … comment se permettre de se plaindre aux siens  qu’ils soient proches ou éloignés? 

Le travail d’accompagnement est là pour permettre à la personne de renouer avec  elle-même  et ses vraies émotions, se confronter aux phases de deuil inévitables et parvenir à poser des choix, quels qu’ils soient. 
Parfois, le simple fait de mettre en mot ses frustrations, des souffrances, permet de se repositionner. En un mot, retrouver de sa liberté !

Ce travail n’implique  pas nécessairement un accompagnement lourd ni long pour conduire à une réappropriation d’un projet de vie personnel cohérent.


Pia Granjon Lecerf travaille à partir de ses qualifications professionnelles: 
Formation d’assistant de service social (IFSY, Versailles) ; 
Maîtrise d’Anthropologie sociale (la Sorbonne), 
Coach de vie (Newcastle, GB), 
PNL, Reiki, EFT ; 
Et aussi son parcours personnel : enfant de parents expatriés, devenue conjointe et parente expatriée de trois enfants.

Article publié dans www.recursimo.com


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